jeudi 3 avril 2008

PREMIERES VICTIMES

Cette nuit n’a sans doute pas été très calme. Ce matin, le réveil est un peu difficile. Est-ce le froid qui règne sous cette grande « guitoune », où je dors avec les copains ? Est-ce cette agitation extérieure que j’ai perçue dans mon sommeil et qui ne m’a pas réveillée?






En tous les cas, j’ai la tête lourde et remonte les couvertures pour me réchauffer avant de me lever. Le collègue, chargé d’aller chercher le café, s’habille en baillant, cognant au passage le lit de son voisin qui proteste mollement. . Il est à peine dehors avec ses gamelles qu’il s’écrie :
« Ça y est, les gars, les fellouzes nous gardent maintenant ! Allez, debout là-dedans!»

Assurément, il se passe quelque chose et nous voilà cherchant les « pompes », enfilant le pantalon ou la veste. Je sors rapidement voir ce qui est la cause de ce réveil en fanfare.





Trois cadavres de fellaghas sont là, à proximité de la tente. Trois jeunes gens en treillis, qu’on a « jetés » là, cette nuit, au retour d’une embuscade. Les commentaires des uns et des autres ne retiennent guère mon attention, je suis surpris et ému : ce sont les premiers fellaghas morts que je regarde. Jusqu’alors, je ne connaissais que les prisonniers, toujours en civil, et bien vivants, même si parfois ils étaient un peu « abîmés »… Mais là, trois jeunes gens en tenue militaire et de mon âge, jetés à terre comme du gibier après une partie de chasse.
Un mort, même un ennemi, a quand même droit à un peu plus d’égards…On m’avait appris à respecter les morts !
.
« Regarde, me dit-on à côté, ils ont été tués par balle. » En effet, du sang a coulé sous leurs corps, jusque sous notre tente, comme pour marquer le territoire.
J’imagine la douleur des parents de ces jeunes gens de mon âge et par delà l’angoisse des nôtres.

Voilà, je suis maintenant fixé, il y a bien autour de nous ,ici aussi ,une armée organisée et équipée mais invisible.

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